Portrait-Stephane_LouisSi la photo n’avait pas changé le cours de ses études de lettres, il serait devenu un spécialiste de linguistique diachronique (de l’ancien français !). On ne va évidemment pas regretter qu’il ait choisi de compléter son année de maîtrise par un diplôme de ciné et d’audiovisuel, option photo parce qu’il était sûr de pouvoir pratiquer en individuel… Solitaire, le garçon ? Pas s’il est question de faire des rencontres ! Alors oui, ce n’est pas le gars le plus bavard de la planète, mais quand il m’a reçue, après mon entrainement de piscine, autour d’un jus pressé et de Pim’s à l’orange (un kilomètre de crawl, ça creuse), il n’a pas hésité à parler avec générosité.

Évidement, depuis quinze ans qu’il pratique la photo, sa technique et son inspiration ont évolué. Il vend ses premiers tirages grâce à sa rencontre avec Bruno Chibane et sa collaboration depuis indéfectible avec le magazine Poly. Son premier portrait photographique ? Celui de l’écrivain italien Erri De Luca à la librairie Quai des Brumes quand elle était encore sur les quais. Les voyages se succèdent ensuite et nourrissent son travail, lui apportant reconnaissance et expositions. De Venise en 1999 au Mali en 2007, en passant plusieurs fois par les États-Unis, mais aussi le Vietnam et la Chine, il n’est pas une seule des ses séries qui n’aient été récompensées d’un prix Fnac, Illford, Agfa ou Kodak ! Un peu comme un Roger Federer remportant le grand Chelem.

Depuis son passage au numérique en 2006, son rapport à la photo a changé, et ses sujets aussi. Les carnets de voyage et les expérimentations techniques ont laissé place à un travail de longue haleine sur l’histoire et le patrimoine de la région. Aux projections autofictionnelles sur les routes américaines que l’on a adoré mettre en en scène lors d’un photo-concert en 2012, se sont substituées des images d’historien, de compilateur maniaque, de chercheur de traces. La série de 2003 sur le mur de l’Atlantique, celle sur les ruines et les bâtiments abandonnés, exposée à la Filature en 2011, ou celle encore qui l’occupa durant 6 ans sur le patrimoine funéraire des cimetières de Strasbourg, ont annoncé ce qu’il explore de façon compulsive aujourd’hui : les champs de bataille de la Première Guerre mondiale, l’étrangeté des objets qui s’y trouvent encore best online casino engloutis et qui témoignent du quotidien plus trivial des tranchées. C’est aussi, pour lui, le retour à un rapport primitif à la photographie, redevenue un outil de témoignage qui lui permet d’évoluer dans le souvenir et la mémoire.

Mais a-t-on parlé de musique, me demanderez-vous ? Eh bien, oui, nous y sommes arrivés. J’étais pleine d’une curiosité adolescente concernant ses goûts, ses premières fois, son meilleur souvenir, mais j’ai vite rangé mes questions formatées parce que le gaillard avait pour moi d’autres surprises. Celle d’apprendre par exemple que la musique allait d’abord de pair avec ses engagements politiques. Il a donc une crête quand il passe le bac et écoute les Béru, Noir Désir et la Mano Negra. Il garde de ces jeunes années un amour immodéré pour les Cure et avoue avoir été guitariste et choeur d’un groupe de punk avec lequel il a tourné jusqu’à Prague pour la première partie d »Už jsme doma ! Il en conserve des enregistrements qu’il refuse de montrer (mais pourquoi ?) et se souvient avec amusement du frisson de la scène, surtout devant un public tchèque de cinq cents personnes ! Ont suivi les sons du desert rock et des Sixteen Horse Power. Aujourd’hui, il écoute davantage de musique classique mais il reste capable de voir un concert de Depeche Mode et le lendemain, d’apprécier le Vaisseau fantôme de Wagner à l’opéra de Strasbourg. Le dernier album écouté ? Il a racheté le Carcassonne de Stephan Eicher. Question d’affect. On le comprend.

A voir : www.stephanelouis.com/blog